Togo : témoignage poignant d’un enfant qui a passé huit mois dans la rue

Gaston, 12 ans, élève au CM1, a fait le choix difficile de quitter la maison pour vivre dans la rue. Après huit mois de fugue, il réussit sa réinsertion et se plaît à l’école. Retour sur l’émouvant parcours de ce jeune garçon.

Interrogé sur les raisons de sa fugue, Gaston explique : « C’est le comportement de ma mère qui m’a fait quitter la maison. Ma mère n’est pas clémente. Si je commets une erreur, elle me tape avec tout ce qui lui tombe sous la main : sceau, tabouret, pépin de pierre. Des fois, elle m’envoie et me donne un délai pour le retour, si je ne respecte pas le délai, elle envoie des gens à ma trousse. Quand on me ramène, elle me bastonne ».

Une fois en situation de rue, Gaston a passé trois mois aux alentours du marché urbain d’Agoè Assiyéyé. Après être repéré par sa famille, il a migré à Zongo, une banlieue de Lomé privilégiée par les enfants en situation de rue. Il a même changé son patronyme et se fait appeler « Gaston Ekpétou » pour brouiller toutes pistes de recherches pouvant conduire à lui.

Dans sa nouvelle communauté, le jeune garçon doit travailler davantage pour survivre. Avec ses nouveaux amis, ils s’improvisent recycleurs d’objets. « Souvent, nous allons au grand marché de Lomé pour ramasser des cartons et des sachets d’eau. Le soir, nous allons les vendre avant de trouver de quoi s’acheter à manger. Par jour, je peux gagner 500 francs CFA. Après la vente des objets, nous achetons du détergent pour laver nos vêtements. Nous allons nous doucher à la lagune et nous remettons des habits propres. Après, nous allons acheter du kom (boule de pâte à base de maïs fermenté) ou du riz pour notre dîner. Quand on finit de manger, nous passons le reste du temps au bord du boulevard », a-t-il raconté.

À la tombée de la nuit, Gaston se couche là où le sommeil le surprend.  « La nuit, nous dormons à la belle étoile à la plage, au bord de la route, sur les terres pleines de la chaussée ou à la devanture des boutiques au centre commercial à Dékon », a-t-il indiqué.

Chemin du retour vers la maison

Durant son séjour à Zongo, Gaston, sur invitation de ses compagnons, participe aux activités socio-éducatives du MAREM (mouvement d’actions pour la réinsertion des enfants marginalisés), une ONG spécialisée dans l’accompagnement des enfants en situation de rue.

Il a été identifié par un agent de MAREM qui lui propose de le raccompagner en famille. Commence alors un périlleux processus pour convaincre le jeune Gaston. « Ça n’a pas été un travail si simple. D’ailleurs, il se plaisait plus dans la rue qu’à la maison. Nous avons pris plus de trois semaines pour le convaincre de rentrer en famille. Nous avons pu le convaincre au finish d’intégrer le centre de réinsertion, où il a passé une semaine, le temps de le mettre en confiance et de faire la médiation avec les parents. Après quelques séances d’entretiens individuels et collectifs, il a quand même eu cette assurance que les choses ont changé et qu’il peut effectivement rentrer en famille », a narré Joseph Solibé, Chargé de la réinsertion et du suivi post réinsertion au MAREM.

Gaston a vite conclu qu’il aura plus à gagner en famille que dans la rue. « Avec le temps, je me rends compte que je gâche ma vie dans la rue. En plus, la vie est très dure ici. Il faut souffrir pour manger alors que le repas abonde à la maison. À la maison, tu peux te coiffer, te doucher facilement, mais dans la rue, il faut travailler pour avoir de l’argent pour se coiffer. Parfois, le coiffeur se moque de ta malpropreté. »

Enfer d’autrefois, nouveau havre de paix aujourd’hui

De retour à la maison, la relation est dorénavant, bon enfant entre Gaston et sa mère. Tous deux jouissent de très bons moments. « Depuis mon retour, ma maman est devenue gentille avec moi. Maintenant nous rigolons ensemble, nous mangeons dans le même plat. Nous sortons certains soirs pour nous rafraîchir et ça me plaît beaucoup », relate le jeune réinséré.

Au terme de huit mois de fugue, il a repris le chemin de l’école. « Je suis très content quand j’ai repris les cours. Dans la rue, je détruisais mon avenir. Aujourd’hui, je suis confiant que je peux tirer quelque chose de l’école. Désormais, mon objectif est de continuer les études, de mettre en pratique tout ce que mon enseignant me dit pour qu’à la fin, je devienne un médecin », a-t-il laissé entendre.

Pour Joseph Solibé, Gaston est définitivement un enfant réinséré. « Aujourd’hui, nous sommes très content de l’évolution du jeune Gaston et le pari est gagné. C’est sûr et certain que Gaston ne reviendra plus dans la rue ».

 

Jérémie Gadah

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1 commentaire
  1. IRANKUNDA Alain-Yves L'utilisateur dit

    Mon histoire est similaire avec celui de Gaston. Après cette tragédie situation qui m’a coute fort, j’ai eu la chance d’être pris de la rue par une Association qui prennent en charge ces derniers. Grandi et éduqué dans l’orphelinant je suis parvenu a étudier de l’école primaire jusqu’à aboutir a terminer les études universitaires au grade d’un licence et maintenant je suis devenu journaliste. Mon rêve aujourd’hui reste la création de la Radio avec ligne ligne éditoriale Education pour les enfants de la rue. Je lance un appel fort vibrant a chacun qui veut me soutenir de le faire avec esprit d’amour pour ces cœurs en détresse. Pour plus d’éclaircissement, mon numéro WhatsApp est +257 79 953 074

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