Togo/Gbodjomé : les violences faites aux enfants prennent de l’ampleur

Gbodjomé est un village de la préfecture des Lacs, situé dans la zone côtière à 25 kilomètres au Sud-est de Lomé (Togo). À part l’érosion qui ronge à petit feu cette localité envahie quotidiennement par le bruit des vagues de la mer et souvent bernée par le sifflement des cocotiers, nul ne pourrait imaginer que les enfants sont victimes de maltraitance. La situation à Gbodjomé et dans les villages environnants est d’autant plus alarmante qu’elle a fini par attirer l’attention de plusieurs organisations et associations de lutte pour la promotion des droits de l’enfant.

Les cas de violence, de maltraitance et d’abus sexuels sur les enfants prennent de l’ampleur à Gbodjomé et dans les villages environnants. De 2014 à 2015, 14 filles ont été violées et 77 cas de maltraitance dont 32 filles et 45 garçons ont été enregistrés dans la localité. « Nous avons enregistré en 2015, 25 cas de maltraitance sur des enfants de 8 à 15 ans. Et en 2016, 18 filles et 7 garçons ont été victimes de sévices corporels. Au premier trimestre de 2017, nous avions enregistrés d’autres cas de viols sur les mineurs », révèle Adodo Afangbédji, président d’ALUCONTRE, une Association de lutte contre le travail, la traite, le trafic et la maltraitance des enfants.

Le cas de la petite Merveille est pathétique. À 8 ans, sa vie est loin d’être merveilleuse. Elle subit quasi quotidiennement des sévices corporels de la part de sa tante. « Je ne vais pas l’école, mais j’aide ma tante dans ses activités ménagères. Un jour, j’avais faim et j’ai pris un bonbon sur l’étalage. Lorsqu’elle l’a su à son retour, elle m’a frappé à mort, cisaillé les doigts puis a mis du piment rouge dans les plaies et dans mes parties intimes avant de m’enfermer dans une chambre.», relate la petite.

Plusieurs cas d’actes de violence sur enfants ont été traités par l’ONG Cercle d’Aides Femme et Enfant (CAFE), une organisation non-gouvernementale basée à Gbodjomé. « Nous citerons le cas de la fillette de 7 ans mise dans l’eau chaude juste parce que sa marâtre l’accuse d’avoir volé la viande dans la sauce. Ou encore, celui de la marâtre qui déteste l’enfant de l’ancienne épouse de son mari et qui a brûlé la paume des mains de cet enfant avec une louche à feu comportant des charbons de bois. Ce sont là quelques cas de sévices corporels que nous avons gérés et dont certains enfants ont été pris en charge », explique Sonia Dosseh, la Coordinatrice de l’ONG CAFE.

Trafic, pauvreté, ignorance ou encore problèmes de ménage…

Plusieurs raisons sous-tendent ces comportements et agissements. Sur un échantillonnage de 3 cas de maltraitance sur des filles en 2016, les organisations ont constaté que les enfants étaient issus de trafic. « Ces enfants sont avec l’un de leurs parents au Bénin, ils ont leur papa ou grande sœur qui vit au Togo et quand ils viennent vers eux, à la fin, ce sont des maltraitances dont elles sont victimes, il y a également la pauvreté qui entraîne la faim », relève Sonia Dosseh.

Le divorce ou le décès d’un parent est aussi l’une des causes de maltraitance. Parfois, c’est l’un des parents (belle-mère, oncle ou une tante) qui ne veut plus de l’enfant dont il a la charge. Les organisations révèlent aussi la situation socio-économique des familles. La pauvreté rend le plus souvent les parents colériques, ces derniers ne parviennent pas à maîtriser leur colère et le déversent sur les enfants.

L’ignorance du droit des enfants par les parents est également l’une des causes de la concentration de la maltraitance des enfants dans les villages.

En dehors de la maltraitance des enfants, les cas de viol ne sont pas à négliger à Gbodjomé et dans les localités environnantes. En 2015, 9 cas de viol d’enfants dont la tranche d’âge se situe entre 8 et 12 ans ont été enregistrés. En 2016, 10 plaintes sont signalés au commissariat de la localité. Ces abus sexuels interviennent le plus souvent sur les enfants par des voisins de quartier. Aucun cas d’abus sexuel n’a été commis par des parents ou proches ou même des voisins de maison.

Difficile combat, faute de moyens

Plusieurs associations de défense des droits de l’enfant travaillent de concert avec les autorités traditionnelles et judiciaires dans cette localité notamment le Cercle d’Aides Femmes et Enfants, ALUCONTRE et COMPASSION, afin d’éradiquer le phénomène dans la zone.

Les cas de maltraitance et de viols sont traités à la gendarmerie d’Agbodrafo ou au commissariat de Gbodjomé. Malheureusement, les présumés auteurs de ces actes prennent toujours la poudre d’escampette après avoir commis leurs forfaits et on n’arrive pas à les retrouver, déplorent les défenseurs des droits de l’enfant.

Certains parents sollicitent le plus souvent la clémence des coupables et saisissent les chefs de canton ou de village pour une résolution à l’amiable. « Les Chefs de villages sont impliqués dans la gestion des cas de maltraitance sauf que parfois, ils sont dépassés par les problèmes. Ils font de leur mieux en accueillant quelques fois ces enfants sous leur toit », soulève Sonia Dosseh.

L’ONG CAFE mène également des actions quotidiennes sur le terrain. Elle sensibilise les populations à la base sur les droits et devoirs des enfants prévus par le code de l’enfant et surtout les  sanctions encourues lorsque ces droits sont violés.

En l’absence de subventions, les différentes organisations qui militent pour la promotion et la protection des droits de l’enfant sont confrontées à une multitude de difficultés. Les structures qui s’occupent des enfants ne sont pas très présentes dans la région maritime. Les associations de promotion des droits de l’enfant, face aux difficultés financières, ne sont pas en mesure de prendre en charge des enfants victimes de cas d’abus sexuel.

Ces enfants après les soins médicaux, ne sont pas pris en compte dans un centre d’accueil pour un suivi psychologique. La plupart du temps, ils sont renvoyés dans leurs familles ou auprès de leurs « bourreaux ». « Nous travaillons avec nos moyens dans différentes localités, préfectures de Zio, de Vo, des Lacs, d’Afagnan. Malheureusement, nous ne bénéficions d’aucune subvention financière de la part des différents partenaires techniques et seuls l’amour et la passion que nous avons pour les enfants nous guident au jour le jour », déplore Adodo Afangbédji d’ALUCONTRE.

Les acteurs dans la lutte contre la maltraitance à Gbodjomé tirent sur la sonnette d’alarme et interpellent les partenaires techniques et financiers pour des appuis multiformes. La dotation du canton et de ses environs d’un centre d’accueil par exemple, serait un véritable soulagement pour ses enfants, puisque, pour se référer à un centre, il faut parcourir une quarantaine de kilomètres de Gbodjomé à Avoutokpa (préfecture des Lacs).

Les associations de défense des droits de l’enfant ne pouvant agir seuls, les parents doivent être les premiers à protéger leur progéniture, comme le stipule le principe 8 de la déclaration universelle des droits de l’enfant : « L’enfant doit, en toutes circonstances, être les premiers à recevoir protection et secours ».

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