Interview : Danielle Minyemeck « Vivre avec l’autisme, c’est possible »

Du statut de maman, elle est passée à celui d’une conseillère, d’une consolatrice. À travers son association « l’émotion de l’autisme » basée à Douala, au Cameroun, Danielle Minyemeck milite pour la cause de l’enfant autiste. Aujourd’hui, elle draine une horde de parents qui lui font confiance. Comment en est-elle arrivée là ? Quelles sont les grandes missions de l’association ? Djena.info a rencontré la Camerounaise sur le sujet.

Bonjour Danielle Minyemeck. Présentez nous votre association.

Nous sommes une association basée à Douala (Cameroun), créée pour apporter un appui à la sensibilisation sur l’autisme vu et vécu par nous africains. Car il faut admettre que le mythe de « L’autisme-sorcellerie » ou « maladie des riches » plane encore dans certains esprits.
Nos actions sont à 75% sur le digitale via la page facebook/L’émotion de l’autisme, le site web www.autismeafrique.org, enfin un forum whatsapp de parents d’enfants autiste et thérapeutes. Les 25 % restants sont déployés sur le terrain via des ateliers (Talk With Insiders chaque trimestre), conférences, marches sportives et descentes dans certains centres spécialisés à présenter au public. L’association est orientée vers les parents. Car nous avons constaté que la prise en charge du parent n’était pas trop une priorité. Aussi le manque d’information utile, c’est-à-dire les centres disponibles et adaptés par ville, le canevas du diagnostic, les contacts des thérapeutes, les thérapies éducatives existantes,etc. est notoire. Pour nous, un parent épanoui et éclairé, c’est un enfant qui a des chances de ne pas s’enfermer dans sa bulle et loin de l’éducation.

Pourquoi vous êtes vous engagée auprès des enfants autistes ?


L’engagement est parti de mon expérience en tant que mère d’un garçon. J’avais besoin d’orientation, d’informations, de plus des séances axées sur l’enfant. Et surtout, je désirais savoir ce qui allait m’arriver durant cette épreuve.

Parlez nous un peu de cette anomalie chez l’enfant…


Ma réponse ne sera jamais celle d’un professionnel, mais juste d’une mère. L’autisme altère les interactions sociales chez l’enfant. Il ne prend pas en compte les codes sociaux que nous connaissons. Par exemple, l’enfant ne comprend pas que : tendre, la main, veut dire bonjour. Il y a également le volet communication, certains sont non verbaux. Dans ce cas, l’enfant ne parle pas, mais fait des sons qu’on appelle « écholalie ». Il peut répéter des chansons en mimant sans prononcer un mot. Mais certains finissent par parler. Également, il ne montre pas du doigt ce qu’il veut, il va utiliser le doigt de l’adulte pour pointer, etc. Chaque enfant a son caractère d’autisme. Certains sont hyperactifs d’autres pas.

Avez-vous réussi à aider votre enfant à s’en sortir ? Si oui comment ?

L’autisme, c’est pour toute la vie. On ne guérit pas. À chaque étape de la vie de l’enfant, il y a de nouvelles acquisitions, de nouveaux comportements et d’autres stratégies éducatives à mettre en place. Donc parler de s’en sortir, c’est comme me demander s’il est guéri. Ce n’est pas fini, mais moi le parent, je vais mieux et suis boostée pour le combat permanent. Donc, forcément, ca va aller pour lui avec la grâce de Dieu.

En quoi votre engagement peut être bénéfique aux enfants autistes ?

Avec notre plateforme, les orientations et ateliers organisés à l’endroit des parents, les enfants ont plus de chance d’évoluer dans leur autonomie. Nous prônons le principe du parent co-thérapeute, celui qui n’attend pas tout du thérapeute ou de l’éducateur spécialisé comme un faiseur de miracles. Trop se plaindre ne changera rien. Trop dorloter n’aidera pas non plus. Les autistes sont éducables, donc capables d’exceller dans un domaine si le parent s’implique et détient la bonne information.

Selon vos expériences auprès d’eux qu’est ce que ces enfants attendent de la société ?

La scolarisation. Elle a une valeur thérapeutique au-delà d’être un droit. Demander la compréhension ou l’attention ou la pitié, pour nous ça n’apporte rien de concret.

Avez-vous des chiffres dans votre pays ? En Afrique ? Si oui parlez nous en.

Des chiffres non. Mais une chose est certaine, nous rencontrons plus de parents d’enfants autistes que nous n’avions imagine. Via le forum whatsapp chaque jour, il y a des numéros qui s’ajoutent. Uniquement, dans la ville de Douala, nous avons déjà 67 parents, ce sont sans compter ceux que nous ne connaissons pas.

Que peut faire un parent(ou un proche) pour aider son enfant autiste ?

Il doit faire le deuil de l’enfant qu’il attendait. Accepter et aimer l’enfant spécial et ouvrir son esprit. Faire des recherches. S’impliquer dans la prise en charge de son enfant, autrement dit travailler à la maison en collaboration avec son éducateur spécialisé. Faire vivre cet enfant (loisirs, Voyages, toujours propre) et surtout lui permettre d’avoir une vie épanouie pour ne pas sombrer dans l’autisme.

Quelles sont vos propositions ou recommandations aux familles, organisations, et États pour aider tout enfant touché par cette anomalie ?

Aux familles : de ne pas juger, mais accompagner. S’impliquer dans le quotidien et travailler sans relâche, car tout réside dans la répétition. Il ne sert à rien d’aller de thérapeute en thérapeute. Aux Organisations et Etats : merci de vous impliquer encore et investir dans la scolarisation. En investissant dans l’éducation spécialisée via la formation du personnel et des écoles à des coûts raisonnables. Car il faut le dire…En une année vous touchez 1.500.000 et plus seulement pour la scolarisation et les séances avec les thérapeutes. On comprend pourquoi beaucoup d’enfants autistes croupissent dans le noir : les parents sont essoufflés.

Un mot pour finir ?

L’autisme vous fait découvrir comme toutes ces pathologies inexpliquées une autre dimension de la parentalité. Ça fait mal de ne pas savoir ce qui vous attend ou si vous n’êtes pas là pour votre ange. Mais, il faut se dire que vos efforts canalisés seront récompensés un matin. Car ils sont capables d’apprendre.

Larissa Agbenou

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